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(Anne Soupa, Conférence des baptisés de France, 22 Octobre 2013)

Tandis que Marthe s’agitait, Marie, assise aux pieds de Jésus, avait choisi l’essentiel. Réformer, c’est d’abord choisir l’essentiel et en jouir. Avant de savoir s’il faut décentraliser, ordonner, femmes ou hommes mariés, il convient d’être d’abord une vraie personne qui ressent, éprouve et choisit, un sujet libre et animé de désir et capable de jouissance, comme l’était Marie, modèle du disciple accompli. Notre choix à tous, chrétiens, il n’est pas inutile de le rappeler, c’est de suivre le Christ en ayant sur nos frères et sœurs son regard bienveillant, miséricordieux, dépourvu de jugement. La première réforme est l’adhésion à ce Christ là.

Pour une bonne partie de l’Église de France, cela signifie abandonner la posture défensive et quasiment hérétique qui a fait florès depuis une dizaine d’années et qui consistait à construire des forteresses de « purs » (par exemple en assurant la formation des séminaristes français à l’étranger, loin de la « contamination » hexagonale). Des « purs » en qui on voyait déjà les artisans futurs de la reconquête de demain… La logique de la forteresse est une catastrophe, un vrai suicide car elle sépare au lieu d’unir. Elle tient pour négligeables tous ceux qu’elle n’a pas élus, les « pauvres » à tous les sens du terme, ceux dont la vie divague un peu, et surtout tous les pauvres diables qui ne sont pas dans les clous, divorcés remariés, homosexuels, femmes…. La première conversion, celle que fera Jonas en allant à Ninive, consiste à comprendre que Dieu aime « ces gens là ». C’est aussi cette découverte qu’a fait François d’Assise devant le crucifix de San Damiano et qui a fondé toute son action ultérieure. Que tombent en chacun de nous tous nos jugements négatifs (qui ne sont que le miroir de la dépréciation que l’on porte sur soi) et nous nous découvrirons aimés de Dieu et capables de désirer, de regarder devant, de reconstruire l’Église du Seigneur, comme l’a fait le Poverello.

La première attitude que suscite l’a priori de bienveillance est donc la « sortie », dans tous les sens du terme. Le pape le dit explicitement : « Allons annoncer l’Évangile en allant trouver les gens, et non en restant à attendre qu’ils viennent vers nous. » (François, le pape des pauvres, Andrea Tornielli, p. 128). Sortir, c’est aller là où les gens souffrent, espèrent, attendent un geste de fraternité. Par exemple, dans les salles d’urgences des hôpitaux, près des antennes de pôle emploi, à Lampedusa, auprès de tous ceux qui souffrent et désespèrent, pauvres et exclus, otages, personnes déplacées, couples malmenés, enfants martyrs…

L’urgence de l’annonce exige aussi de remettre le plus vite possible l’Église en état de marche. Il est grave de laisser s’installer des déserts religieux à deux pas des grandes villes. Le pape le dit avec la plus grande clarté. Si un laïc se propose, dit-il, qu’on lui donne un catéchisme, et qu’il donne la communion si on la lui demande. Oui, mais il ne viendra plus à l’Église, objecte le curé. Venait-il avant ? Non, alors ? (François, le pape des pauvres, p. 123). Réformer, c’est chercher la solution au lieu de s’enfermer dans la question.

Concrètement, cela peut signifier, dans l’Église de France, favoriser les assemblées de la parole là où la communauté chrétienne ne dispose plus de prêtre et ce, même le dimanche, ce que les évêques la plupart du temps, refusent. Cela suppose d’abord de ne pas avoir peur que les fidèles ne viennent plus à la messe, puisqu’ils n’y vont déjà pas… Cela suppose ensuite que les simples baptisés apprennent à célébrer, à conduire la prière, ce qui n’est pas encore le cas.

Un pas de plus, inévitable et fructueux, consistera à susciter sans délai l’émergence de « sages » responsables de communautés, à l’image de ceux cités dans l’évangile, qui assument la visibilité de la communauté et témoignent de la présence du Christ en son sein. Pas de prêtre, s’inquiètent certains. François répond : « Seul le baptême devrait suffire ». Et lui de citer l’exemple de ces chrétiens de communautés japonaises restés sans prêtres pendant 200 ans, tous baptisés, tous mariés et enterrés à l’église, donc la foi était restée intacte. « On ne doit pas avoir peur de dépendre seulement de Sa tendresse », conclut-il. (François, le pape des pauvres, p. 123)

Enfin, il me semble urgent de célébrer ensemble la réconciliation. La réalité du mal, sa nocivité profonde, les dégâts réels qu’il laisse dans les âmes et dans les corps sont si considérables qu’il est vital de les reconnaître avec lucidité et humilité, en nous portant mutuellement secours et bénédiction. Nos frères et sœurs, nous tous, aspirons à la paix du cœur, à la réouverture des portes de notre avenir. Nous devons tous nous y aider.

Dire du bien, écouter, espérer, voilà la réforme qui permet les réformes.

Tag(s) : #Questions d'Eglise
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