Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Vous êtes bien nombreux à vous poser la question de la transmission de la foi !
Courage !

 
(André  Fossion s.j. Conférence 2002, Lumen Vitae)

La transmission de la foi : dans quelles conditions culturelles ?

 

1) Quelques signes d’un changement actuellement très profond au plan religieux :

 

Aujourd’hui la culture ne transmet plus la foi, mais une exigence de liberté religieuse, et ce dès le plus jeune âge.

Ceci change profondément les choses. Dans le passé, la foi allait de soi. Le petit catéchisme enseignait les vérités qu’il fallait croire, les sacrements qu’il fallait recevoir, les commandements qu’il fallait observer.  Aujourd’hui pour nos contemporains, en particulier pour les jeunes, une foi vécue sur le mode du  « il faut » n’a plus de sens. La foi est au contraire le lieu par excellence où chacun peut poser un choix de liberté.

Le concile Vatican 2 a intégré ce changement de perception dans le document sur la liberté religieuse : « Nul en matière de religion ne peut être forcé d’agir contre sa conscience ». Une perception très nette s’est faite que la liberté est partie intégrante de la foi.

Mais si la liberté est donnée, la difficulté réside dans l’exercice de cette liberté. Comment l’exercer dans un monde devenu si complexe ? Tout bouge. L’information est surabondante et les opinions sont souvent les plus contradictoires. Le jeu démocratique lui-même conduit à la possibilité pour chacun d’exprimer des opinions opposées. La complexité va de pair avec la perplexité. C’est vrai pour les jeunes comme pour les adultes. Il est devenu très difficile de se faire une opinion. Témoignage d’un jeune : « Je ne sais trop que penser. Je ne sais pas si je ne suis pas non-croyant ».  Ce n’est pas un rejet de la foi, mais l’aveu d’ une perplexité.

Les images de la foi sont très morcelées et déficientes, voire incohérentes. Ceci est vrai pour les jeunes, mais aussi pour les adultes.

Aujourd’hui il y a un problème de hiérarchie des vérités de la foi, ce qui veut dire qu’on a beaucoup de difficulté à distinguer ce qui est essentiel de l’accessoire, que l’accent n’est pas mis assez sur ce qui est vraiment l’important  L’important dans la foi, qu’est-ce ? Est-ce de croire aux apparitions de Lourdes,  à l’infaillibilité du pape ? Qu’est-ce qui est premier et essentiel dans la foi chrétienne ? Peu de gens ont des idées claires là-dessus.

Ce morcellement des croyances véhiculé par notre société est une difficulté pour la catéchèse aujourd’hui, même quand elle est bien donnée.

On ne constate pas actuellement un progrès de l’athéisme, mais bien une érosion de toute conviction forte. Très peu de gens sont aujourd’hui des athées convaincus. Beaucoup vivent un attentisme, une indécision, un « entre-deux ».  Les gens sont ouverts au dialogue, mais avec distance.

La foi ne fait plus peur. Dieu ne fait pas peur aujourd’hui, contrairement au passé. Les gens ne souffrent pas de cette indécision, qui est vécue sans angoisse. Notre culture est une culture où il est difficile de se forger des convictions. C’est le cas aussi pour les convictions d’athéisme : il y a très peu de libre-exaministes convaincus chez les jeunes, tout aussi distants du libre examen que d’une démarche religieuse.

Nous ne vivons donc pas de crise de la foi, mais plutôt une difficulté d’un chacun à se forger des convictions propres.

Dans un monde complexe, il y a une revendication d’autonomie, d’individuation, y compris au plan religieux. La société pousse à cela, pousse à ce que chacun trouve son chemin.

D’où un bricolage de croyances diversifiées, fragiles, chacun prenant ce qu’il veut pour se fabriquer sa propre vision du monde. Nous assistons donc à un foisonnement de croyances différentes dans un monde plurireligieux.

 

Les jeunes voient cette pluralité de religions, et se construisent leur monde religieux personnel. Beaucoup aujourd’hui disent qu’ils ne sont pas pratiquants, mais qu’ils sont religieux. Beaucoup ont abandonné la pratique religieuse et vivent une forte prise de distance par rapport aux institutions sans pour autant renoncer à leur identité de chrétiens. Bien des questions religieuses sont réglées par les gens sans référence à l’Eglise institution. L’Eglise perd en ce sens son pouvoir de régulation des croyances, elle perd sa maîtrise du phénomène religieux. Il y a un éclatement du religieux, pas un effacement du religieux. Mais l’attrait pour l’Evangile est intact. L’image du Christ est intacte pour la culture d’aujourd’hui.

Reste aussi un attrait pour les grands rites chrétiens : le baptême, le mariage, les funérailles. L’Eglise garde sur le plan du rituel une place essentielle dans la société. Les gens désirent ne pas banaliser les choses de la vie. Ils apprécient de se rattacher à une tradition culturelle, à « leurs racines », même si ils se sentent très libre de prendre ou pas ce que l’Eglise propose. En fait, derrière la critique de l’Eglise, il y a souvent une attente au nom même des valeurs que les gens n’estiment pas assez portées par l’Eglise.

 

2) Pourquoi ce changement ?

 

Quelques traits culturels de fond de notre société:

 

- Nous sommes rentrés dans une culture du sujet. L’individualité, le caractère propre de chacun sont très valorisés dans notre société. Chacun doit être lui-même dans sa singularité, être quelqu’un face aux autres, bien dans sa peau, mais en étant lui-même. Tel n’est pas le cas dans les sociétés traditionnelles où la conformité au groupe est beaucoup plus mise à l’avant-plan.

Cette culture du sujet passe également dans le domaine religieux. Chacun veut y donner son avis, creuser sa voie, trouver son autonomie…

Le modèle unique donné par le petit catéchisme éclate. Allons-nous vers un individualisme exacerbé? Pas nécessairement. Il est bon d’être soi-même. C’est le christianisme qui a apporté à notre culture la  notion de personne et la conscience de l’irréductibilité propre de chacun. Le dogme de la Trinité où chacun se reçoit de l’autre, mais où chacun n’est pas l’autre a beaucoup aidé à faire progresser l’idée de « personne ». D’autres continents ont nettement moins souligné cette notion de personne, qui contient sûrement en elle un risque de fermeture sur soi et d’individualisme, mais qui  fondamentalement est bonne.

 

- Nous vivons dans une culture démocratique. La démocratie n’est pas qu’un système politique, c’est une manière de vivre ensemble où chacun doit entrer en dialogue avec autrui. Nous vivons dans une culture démocratique.  L’Eglise a du retard sur ce plan, et c’est un paradoxe, parce qu’elle est une communauté fraternelle. Elle devrait exceller dans les pratiques démocratiques, même si elle n’est pas une démocratie au sens politique du terme.

Il y a énormément à faire pour qu’il y  ait plus de mœurs démocratiques dans l’Eglise

 

- Notre culture est scientifique et technique. La foi  est relativisée dans cette culture, avec pour un certain nombre de gens l’idée que le vrai est perceptible par la science, et que le reste, l’art, la foi, la morale, n’est qu’une construction culturelle.

Les jeunes sont ouverts à la science et à cette culture scientifique dès leur plus jeune âge. Comment la foi va-t-elle intégrer ce fait ? Mais la science ne donne pas le sens des choses. Elle produit des médicaments comme des bombes atomiques. Que fait-on avec les sciences ? Quelle société construisons-nous ? Le problème de l’usage éthique des sciences est plus brûlant que jamais.

Les jeunes peuvent comprendre cela et être ouverts à la question : construisons-nous avec la science un monde plus humain ou pas ?

La science de plus ne donne pas de solutions finales aux questions, comme on l’a cru un moment. En fait, chaque question résolue en pose dix nouvelles. La science ouvre donc à l’incertitude. Elle ne cesse de remettre tout en question, et de faire prendre conscience de la complexité du monde.

On aussi de plus en plus conscience aujourd’hui qu’il y a des vérités qui ne sont pas scientifiques. Ce sont des vérités d’ordre éthique ou moral (exemple : l’euthanasie est-elle bonne ou mauvaise ?), ou des vérités d’ordre relationnel (comme, par exemple, dans des phrases comme : je te promets, je t’aime, etc.).

 

- Notre culture valorise la nouveauté, le progrès.   Dans cette culture de la nouveauté, la foi chrétienne peut apparaître comme appartenant à un monde ancien dont on est sorti. Le défi pour la foi est donc de montrer que la bonne nouvelle est toujours nouvelle aujourd’hui et que  le Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ est toujours à découvrir à nouveau avec étonnement, comme une source de vie toujours nouvelle.

 

- Notre culture est aussi culture néolibérale, basée sur la compétitivité et la consommation. Les questions de foi et de sens ont du mal à émerger dans cet environnement. Au nom de l’Evangile, nous avons à résister à cette culture qui fixe le désir dans la consommation des choses, dans la compétitivité comme si « avoir » suffisait au bonheur, comme si le bonheur était d’ « avoir »

 

- Enfin, on peut dire que notre culture est une culture de la communication.   A la différence du passé où le travail consistait essentiellement à travailler la matière première pour la transformer, les métiers  d’aujourd’hui sont devenus, pour la plupart, des métiers où l’homme n’est plus dans une activité de transformation de la matière mais de communication ;  la plupart des métiers aujourd’hui  sont des métiers où la communication est première : on parle, organise, on envoie des messages, on traite des données, etc. Dans cet univers de communication, ce qui apparaît dogmatique est mal vu. Le mot « dogmatique » est même devenu péjoratif.  Tout ce qui s’apparente à du dogme apparaît comme figé et sclérosant.

Dans ce contexte,  le défi est de faire prendre conscience que les dogmes chrétiens – c’est-à-dire les vérités fondamentales de la foi que le Credo exprime et résume  -  loin d’interdire ou de freiner la communication, parlent de la communication, la révèlent et lui ouvrent des perspectives inouïes.  La foi chrétienne, en effet, nous parle d’un Dieu qui est en lui-même communication, qui se communique et nous donne de vivre en communication. Vivre en chrétien, c’est vivre et se reconnaître en communication, en alliance filiale avec Dieu et fraternelle avec les autres. Le christianisme est en ce sens essentiellement communication et révélation du mystère de la communication où nous sommes pris.

 

Ces profonds changements culturels modifient notre rapport au religieux.

 

 

Quel Dieu, quelle transmission ?

            Quelle saveur d’évangile, quelle spiritualité pour notre temps ?

 

1)  Les mots utilisés :

La « saveur » dont il est question ici souligne que l’adhésion de foi ne se résout pas seulement au plan intellectuel. La foi rejoint aussi le désir de l’homme. Nietzsche disait: « ce n’est pas notre intelligence qui a choisi contre le christianisme, c’est notre goût », ce qui est plus profond.

Pourquoi le mot « spiritualité » ?  Les gens espèrent une manière d’être qui augmente leur qualité de vie, ce qu’évoque le mot spiritualité, alors que religion évoque des règles, des principes, des lois. Effectivement l’Evangile propose une manière d’être. Le mot « spiritualité » est donc adéquat.

 

2) Sortir de la peur de Dieu 

 

Le christianisme de nos grands-parents véhiculait beaucoup de peurs : peur du jugement, de l’enfer, de Dieu. Il voulait éduquer les gens par la carotte et le bâton. Il était vu comme un ensemble de lois. Or pour saint Paul : « nous n’avons pas reçu un esprit de peur, mais de fils qui nous fait dire à Dieu Père ». Il y avait sans doute derrière la peur une visée pédagogique, - éduquer, élever en faisant peur - mais cela a fait énormément souffrir. Comment a-t-on pu en arriver là ? C’était pervers. Dieu, selon une certaine imagerie, est présenté comme bon, mais c’est une bonté qui peut devenir férocité si on ne lui obéit pas puisqu’en effet, Dieu, selon cette imagerie, va punir le pécheur de  « peines éternelles » pour des fautes temporelles ? Dans cette optique, on doit  gagner l’amour de Dieu par ses mérites. L’image d’un Dieu qui juge comme une balance qui pèse, en réalité, est tout à fait païenne.

Avoir peur de Dieu, telle est la première tentation dont il nous faut sortir.  Dans le récit Genèse, la première tentation est  précisément celle de la peur : le serpent essaye de montrer que Dieu est celui dont il faut avoir peur car, prétend le serpent, il se réserve jalousement des privilèges qu’il ne veut pas partager avec les êtres humains. La peur de Dieu fait, pourrait-on dire, partie de nous-mêmes ; elle est là en nous. Mais, c’est de cela précisément qu’il faut se libérer. Lorsqu’à la messe nous disons : « nous osons dire :  Notre Père,… », nous nous arrachons à toutes les peurs de Dieu et nous nous confions à lui.

Beaucoup sont partis et restent loin de l’Eglise à cause d’un christianisme de la peur.

 

3) Pour un christianisme de la grâce

Les jeunes sont loin de ce christianisme-là. Ils n’ont plus peur de Dieu. Il y a dans la Bible des images d’un Dieu guerrier ou justicier qui inspire la peur. Mais il faut lire la Bible dans son ensemble et voir, comment au fil de l’histoire et du texte, la révélation de Dieu progresse. Ainsi, on peut dire que la Bible corrige la Bible. C’est à la lumière du mystère central de la mort et de la résurrection de Jésus que nous devons la relire, et tout relire. Or dans ce mystère de mort-résurrection on n’a pas du tout l’image d’un Dieu qui met en enfer, mais bien au contraire qui nous arrache à l’enfer, qui nous en sauve. Ce que nous avons à proposer aujourd’hui, c’est un christianisme non pas de la peur, mais de la grâce, c’est-à-dire de l’amour inconditionnel de Dieu à notre égard.

Le mot grâce contient plusieurs sens : gratuité, pardon (gracier) , beauté (gracieux) et l’idée de joie (agrément, agréable).  C’est dans ce champ-là que doit être d’abord pensé le rapport à Dieu.  Ce que le christianisme propose, c’est un rapport à Dieu qui est un rapport de grâce ou,  en d’autres termes, d’amour inconditionnel.  Plus originel que le péché, il y ala grâce, la bonté créatrice de Dieu qui ne se reprend jamais. L’amour de Dieu est inconditionnel. Certes, on peut soi-même se détourner de l’amour de Dieu, mais il n’est pas en notre pouvoir d’éteindre l’amour de Dieu pour nous. L’enfer est donc un lieu où je peux me mettre moi-même, mais Dieu ne veut personne en enfer. « Même si ton père ou ta mère t’abandonne, Je ne t‘abandonnerai pas », dit Dieu dans toute la Bible.

Dans le livre de Genèse,  Dieu lorsqu’il interdit de manger des fruits de l’arbre de connaissance du bien et du mal ne dit pas qu’Il va punir. Au contraire, Il prévient l’homme du risque !! C’est le diable qui interprète l’avertissement du risque de mort comme une punition infligée par Dieu. La mort et la résurrection de Jésus nous révèlent justement comment Dieu nous a aimés jusqu’à l’extrême. Sur la Croix,  on voit, d’une part, la violence de l’homme poussée à l’extrême. Il n’y a pas de limite au mal : pensons aux guerres, aux génocides, etc. L’histoire humaine démontre que les êtres humains peuvent être pris jusqu’à la folie dans le mal. Mais, sur la croix, on voit, d’autre part, jusqu’où peut aller la folie de l’amour. Sur la croix, en effet,  Jésus ne répond pas au mal par le mal, mais appelle le pardon de Dieu pour ses bourreaux. En ce sens, Jésus met fin au mal, il répond au mal par le bien. Et Dieu lui rend témoignage en le ressuscitant. La résurrection de Jésus rend témoignage et justice à Jésus en même temps qu’elle est une révélation de Dieu : un Dieu qui aime sans compter jusqu’ l’extrême. « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » dit Saint Paul. En ce sens, personne n’échappe à cette grâce de l’amour de Dieu. La  justice de Dieu telle qu’elle se manifeste en Jésus-Christ n’est pas vengeresse ; elle n’ajoute pas du mal au mal. La justice de Dieu est réparatrice et réconciliatrice. Elle prend en compte le mal, mais instaure un processus de vie.

L’œuvre de Dieu est de nous tirer de l’enfer. Son œuvre sera achevée quand Il aura vidé l’enfer de tous ses habitants. La colère de Dieu, si l’on peut la lui attribuer, ne tue jamais, c’est une colère qui veut le bien de l’autre. Dans ce sens on n’a pas à avoir peur du jugement de Dieu.  Comme le dit Saint Jean, dans sa première lettre,  l’amour bannit toute crainte.

 

4) Un  christianisme du désir selon l’Esprit

Qu’est-ce que désirer dans l’Esprit de Dieu. Le récit des trois tentations de Jésus au désert peut nous éclairer. 

Dans la première tentation, l’enjeu est de faire émerger l’humain. L’être humain ne vit pas que de pain, il vit de le partager, c’est-à-dire de relation avec autrui, de paroles.

La deuxième tentation est celle du pouvoir exercé sur les autres. Jésus surmonte cette tentation en se voulant non pas dominateur, mais frère, vulnérable, sans arme ni moyen de puissance. L’enjeu de cette tentation est de devenir frère/sœur. La troisième tentation est de croire que l’on a la vie en soi comme un droit, comme un dû. C’est croire que l’on est maître de la vie et que l’on peut faire n’importe quoi comme si on était immortel :  « Jette-toi du haut du temple… ». Tu peux faire n’importe quoi de ta vie comme si tu en étais maître. Or la vie est un don précieux, elle n’est pas un droit. On n’a pas la vie en soi comme un droit, mais comme un don. C’est à dire que l’on est jamais son propre père, mais que l’on est fils / fille recevant sa vie d’un autre comme un don.

Tout le programme de la vie de Jésus est là : être homme, être frère, être fils. Toute sa vie de Jésus consistera à humaniser, à appeler à la fraternité  et à la reconnaissance de notre commune filiation à Dieu.  Comme chrétien, nous sommes invités à vivre de ce même désir : désir d’humanisation, de fraternité, de reconnaissance filiale.

Etre chrétien, c’est vivre la foi, l’espérance et la charité. Dommage qu’on nous appelle les « croyants », et pas aussi les « espérants » et les « aimants ». Ces trois vertus théologales  - qui sont la marque de Dieu en l’homme -  sont étroitement liées. Elles s’emboîtent l’une dans l’autre. Foi, charité et espérance s’enroulent.

 

Amour de soi, amour d’autrui, amour de Dieu vont ensemble. L’amour de soi est fondamental. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Celui qui ne s’aime pas ne sait pas aimer. Si l’amour de Dieu est inconditionnel, alors je peux toujours m’aimer. En ce sens Dieu me sauve toujours du mépris de moi-même. Le Christianisme fait sortir de l’image négative de soi-même. Etre chrétien c’est aussi et d’abord s’aimer soi-même.

La prière est l’exercice de la relation avec Dieu et avec autrui. Ce qui est donné est la grâce de la relation. Dans ce sens on est toujours exaucé dans la prière. Ce qui est donné est de vivre une relation fraternelle et filiale, et cela est toujours donné dans la prière.

La vie chrétienne n’est pas qu’une pratique. La vie chrétienne, c’est une « poétique », une manière personnelle de recevoir et faire fructifier sa vie. Nous avons ensemble à écrire le 5ème évangile, celui que nous sommes tous invités à écrire en lisant les quatre premiers.

Au terme de notre vie, nous sommes appelés à affronter la mort  dans la foi, la charité et l’espérance c’est à dire en s’abandonnant en toute confiance à Dieu dans la gratitude et  avec un plein de désir.

 

 

Quelles attitudes concrètes pour favoriser la communication de la foi ?

 

 

Pour transmettre la foi, il n’existe pas de solution magique.  Jésus même n’a pas réussi. Au contraire, des gens l’ont tué.

 

1)      Il y a d’abord à vivre soi-même dans la joie de la foi, sans vouloir convertir.

Vivre la foi dans la joie sans vouloir convertir ni donner de haut ce que les autres n’ont pas.

Il faut aimer l’autre de manière inconditionnelle, en laissant l’autre dans sa liberté. Etre soi même devant l’autre. Et peut-être attendre que l’autre interroge. Laisser à l’autre l’initiative de la question.  C’est cette perspective que souligne la Bible : il s’agit de vivre devant ses enfants et se laisser interroger :  « « Quand vos enfants vous interrogerons sur vos pratiques, vous leur direz : nous étions esclaves en Egypte » (Dt). Un fois que l’on est interrogé, alors on peut raconter son expérience, son histoire, sa vie avec ses choix, ses erreurs, ses doutes, mais aussi ses convictions. Ce récit peut s’inscrire dans un dialogue cordial, très libre aussi. Et le jeune tirera ce qu’il voudra. Il fera son chemin. L’important est que le jeune sente que la personne est croyante pour elle-même d’abord et qu’elle y trouve son épanouissement.

 

2)      Vivre une heureuse démaîtrise et confiance en Dieu et en l’autre.

Nous n’avons pas le pouvoir de communiquer la foi. Le lieu où naît la foi n’est pas en notre pouvoir. Celui qui dit sa foi est important, mais il n’a pas le pouvoir de la transmettre. Il n’y a pas à forcer un barrage, comme s’l fallait conquérir ou faire violence à quelqu’un. L’attitude évangélique juste correspond à l’image des semailles et de la moisson. L’un sème, l’autre moissonne. La semence est semée, elle pousse mais on ne sait comment, nous dit l’Evangile. La croissance n’est pas notre fait. Quand on devient pressant, on sort de son rôle et alors les problèmes arrivent.

 

3) Veiller aux conditions qui rendent la foi possible, compréhensible, désirable .

 Si nous n’avons pas le pouvoir de transmettre la foi, nous avons cependant aux conditions qui la rendrent possibles ? Quelles sont ces conditions et comment les établir ?  Il convient tout d’abord de situer véritablement la foi dans le domaine de la liberté. La foi n’aurait pas de sens sans la libre adhésion. Il ne faut pas présenter à la foi, à cet égard, comme nécessaire pour la vie. Dieu, dans sa largesse, ne se rend pas nécessaire à l’homme. L’homme peut vivre sans reconnaître Dieu, tout en ayant une vie sensée, généreuse et joyeuse. Comme chrétiens, nous devons affirmer que le Royaume de Dieu n’est pas réservé aux croyants. Les béatitudes s’adressent à tous ceux et celles qui vivent les valeurs du Royaume : les valeurs de pauvreté de cœur, de douceur, de miséricorde, de justice, de paix, etc, Tous ceux-là – croyants ou non-croyants – sont habités par l’Esprit de Dieu et hériteront du Royaume.

         Ce que la foi apporte n’est donc pas nécessaire pour vivre ni même pour avoir accès au Royaume de Dieu. Pourtant, elle change tout, elle change le sens de la vie, elle l’ouvre, dans la gratuité, à la reconnaissance d’une grâce que nous n’imaginions pas, qui nous est donnée, qui nous ouvre à des espérances que, livrés à nous mêmes, nous n’aurions pu avoir. Cette grâce de la foi, gratuite, non nécessaire pour vivre, mais cependant déterminante, décisive -  car elle change radicalement la perception que nous avons de la vie -,  c’est de reconnaître que nous sommes fils et filles de Dieu, frères et sœurs en Jésus-Christ, promis à une vie qui ne finira pas. Cette foi en Dieu Père, cette fraternité et cette espérance au nom de Jésus-Christ donne à la vie  du sens supplémentaire, des raisons supplémentaires d’engagement, d’espérance et de joie. La foi, en ce sens, relève la vie, lui ouvre des perspectives nouvelles, lui donne davantage de saveur comme le sel donne du relief aux aliments.

Cette démarche de foi qui donne davantage de saveur à la vie, il faut pouvoir en rendre compte. « Sachez toujours rendre compte, rendre raison de votre foi », dit Saint Paul. Il y a, en effet, de raison à faire pour rendre compte de sa foi. La foi n’est pas un cri. Il est raisonnable d’être croyant. Même si la foi est un acte de confiance qui dépasse la raison, cet acte de confiance est raisonnable. La foi dépasse la raison, mais elle s’appuie sur la raison pour prendre son élan. Rendre la foi désirable, c’est donc aussi honorer l’intelligence.

S’efforcer de rendre raison de la foi devant les jeunes générations, c’est leur permettre de se l’approprier librement, à leur façon, et pas nécessairement comme nous. Nous ne croyons pas aujourd’hui comme nos grands-parents croyaient. Et nos petits-enfants ne croiront pas comme nous. Pourtant, il s’agira de la même foi. Nos enfants n’on pas à croire comme nous, mais avec nous. Quand on engendre à la vie de foi, on engendre à la liberté. Les chrétiens de demain auront à se montrer inventifs comme d’autres l’ont été dans le passé pour leur temps. C’est à chaque époque qu’il revient d’écrire un épisode du « cinquième évangile », celui que les chrétiens, lisant les quatre premiers, écrivent dans leur chair au milieu des hommes. En transmettant aux jeunes le meilleur de ce que nous croyons, il faut leur laisser un espace de créativité où ce qu’il auront reçu grandira et mûrira.

 

3)      Se laisser évangéliser par ceux que l’on veut évangéliser

Enfin, il est une attitude essentielle qu’il faut adopter dans le travail d’évangélisation. Il faut savoir se laisser évangéliser par ceux-là mêmes que l’on s’efforce d’évangéliser. Jésus, lui-même, dans sa prédication, a pris maintes fois en exemple des païens : « Jamais je n’ai vu une telle foi en Israël ».  Lorsque nous évangélisons, nous avons aussi à reconnaître la présence de l’Esprit de Dieu déjà présent, d’une manière qui parfois peut nous surprendre, chez ceux à qui nous voulons faire connaître l’Evangile.  Il ne faut jamais oublier que le Christ nous précède toujours là où nous allons. « Allez en Galilée (terre des nations), dit l’ange aux apôtres après la résurrection. Il n’est plus ici. C’est là que vous le verrez ». Notre Galilée aujourd’hui où le Christ nous précède et nous attend, c’est le monde tel qu’il est autour de nous, en particulier, le monde des jeunes qui parfois nous étonne. Il y a dans ce monde une « présence d’Esprit » qui est déjà là et qu’il nous faut reconnaître. Evangéliser quelqu’un, c’est toujours discerner en lui des traces d’Evangile et l’inviter à reconnaître l’Esprit déjà à l’œuvre en lui : la grâce de Dieu déjà donnée secrètement en toute existence.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :