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Les élections présidentielles approchent !

Les évêques de France ont proposé une approche pour nourrir la réflexion des chrétiens en Octobre 2011. Il pourrait être opportun de prendre (ou reprendre) connaissance de ce texte et d'en débattre autour de vous.

 

Durant les prochains mois, notre attention sera largement sollicitée par la préparation des élections présidentielles et législatives.

Ces temps que nous traversons sont des temps de crise. Une crise globale touche tous les pays occidentaux depuis plusieurs dizaines d'années. Ce n'est pas une particularité française. Les effets de la crise financière mondiale qui s'est accélérée en septembre 2008 sont loin d'être épuisés. Ce déséquilibre s'est ajouté aux difficultés sociales et politiques qui sont les conséquences de la transformation profonde et rapide de nos sociétés et de toutes les structures qui organisent notre vie sociale.

De nombreux facteurs de transformation se conjuguent.
Trois d'entre eux méritent, selon nous, de retenir l'attention de tous :

- Tout d'abord, nous pensons au formidable développement des techniques scientifiques. Celui-ci ne cesse de se poursuivre. Il incite à projeter ou même à mettre à exécution des idées qui étaient restées jusque-là au stade des rêves ou des cauchemars. Ainsi le perfectionnement de la connaissance et de la compréhension du vivant suscitent des désirs que rien ne paraît pouvoir limiter. Il est donc urgent et indispensable que l'homme puisse mieux définir qui il est, et déterminer les conditions de son propre respect. Faute d'une appréhension précise de sa dignité, il se laisse inexorablement fasciner par son pouvoir scientifique, dont il est tenté d'attendre la solution à tous ses problèmes, en oubliant de voir ce qui risque de se retourner contre lui.

- Un deuxième facteur de transformation est la fin d'une certaine homogénéité culturelle de nos sociétés. Bien avant que la réalité de la mondialisation soit appréhendée et commentée, nos pays d'Europe occidentale ont connu - et connaissent encore - des vagues d'immigration diverses. Ainsi coexistent aujourd'hui, à égalité de droits, des personnes ayant des origines ethniques et des références culturelles et religieuses les plus variées. Pour des citoyens de plus ou moins vieille souche, ceci peut engendrer un sentiment d'instabilité très délicat à vivre. Pour beaucoup de nouveaux arrivés, cela se traduit par le fait de se sentir mal accueillis et de ne pas pouvoir trouver une place dans une société qu'ils ne peuvent pourtant plus quitter.

- Enfin, dans nos sociétés, chacun revendique toujours plus ses droits sans beaucoup s'inquiéter de ses devoirs. Dans ce domaine, nous assistons sans doute à un mouvement amorcé depuis longtemps. Les libertés individuelles ont contribué à augmenter le sens de la responsabilité personnelle. Mais l'individualisme finit par dissoudre la vie sociale, dès lors que chacun juge toute chose en fonction de son intérêt propre. Le bien commun de tous risque d'être confondu avec la somme des avantages particuliers.

Ces transformations interrogent la conception que l'on se fait de l'homme, de sa dignité et de sa vocation. Les gouvernants et les législateurs sont confrontés à des questions nouvelles. L'éclatement des références éthiques fait reposer un poids moral toujours plus lourd sur la formulation des lois. Puisqu'elles jouent inévitablement un rôle de référence morale dont il convient de tenir compte, le législateur ne peut se contenter d'enregistrer 'évolution des mœurs.

Dans ce contexte, notre devoir d'évêques est de rappeler la haute importance que l'Église, depuis ses origines, reconnaît à la fonction politique. Dans une démocratie représentative, le vote est la manière par laquelle chacun peut participer à l'exercice du pouvoir. Il est donc essentiel d'y prendre part, de la manière la plus sérieuse possible. Un vote ne peut être simplement dicté par l'habitude, par l'appartenance à une classe sociale ou par la poursuite intérêts particuliers. Il doit prendre en compte les défis qui se présentent et viser ce qui pourra rendre notre pays plus agréable à vivre et plus humain pour tous.

Comme chrétiens, nous devons être confiants : les crises qui traversent les sociétés humaines peuvent être des occasions de renouveau et des expériences qui réorientent l'avenir. Elles ne doivent pas nous empêcher de viser toujours et en toutes circonstances le respect de la dignité de toute personne humaine, l'attention particulière aux plus faibles, le développement des coopérations avec d'autres pays, et la recherche de la justice et de la paix pour tous les peuples.

Cependant, nous ne pouvons pas attendre du pouvoir politique plus qu'il ne peut donner. Élire un président de la République et choisir des représentants ne suffira pas à relever les défis qui se présentent à nous aujourd'hui. Les déséquilibres actuels, avec leurs dimensions sociales, culturelles et économiques, nous font mesurer l'apport considérable de la production industrielle et de la société de consommation, mais aussi leurs limites et leurs fragilités. Le mode de vie qui est le nôtre depuis quelques décennies ne pourra pas être celui de tous les pays du monde, ni même se maintenir perpétuellement tel quel chez nous.

Depuis longtemps, avec d'autres, les papes et les évêques appellent chacun à reconsidérer sa manière de vivre, à privilégier l'être plus que l'avoir, à chercher et promouvoir un « développement intégral » pour tous. Sous des termes variés, c'est la même invitation pressante à un changement de mode de vie. Chrétiens, à bien des égards, nous sommes mieux équipés que beaucoup d'autres pour choisir ce changement plutôt que de le subir seulement.

À cette lettre, nous joignons un document qui détaille quelques points qui nous semblent importants à prendre en compte en vue de ces élections. À chaque citoyen, à chacun de vous donc, il revient d'examiner comment les programmes et les projets des partis et des candidats traitent ces différents points, et de déterminer si ces approches sont cohérentes ou non avec la société dans laquelle nous voulons vivre. À chacun de vous il reviendra aussi de hiérarchiser ces différents points en vue du vote. D'autres, bien sûr, peuvent y être ajoutés.

Dans un temps d'hypermédiatisation, il convient d'être prudent devant la surenchère des informations qui seront diffusées, de ne pas se laisser entraîner par des calomnies ou des médisances, de rechercher avec précaution, autant que chacun en est capable, ce qui est vrai et ce qui est juste.

En vous adressant ce message en amont de l'ouverture de la campagne électorale, nous croyons répondre à l'attente de beaucoup. Prions pour que le désir du bien de tous domine dans nos choix et dans ceux de nos concitoyens.


Paris, le 3 octobre 2011
Le
Conseil permanent de la Conférence des évêques de France :


CardinalANDRÉ VINGT-TROIS,
archevêquede Paris
président de la
Conférence des évêques de France

Mgr HIPPOLYTE SIMON,
archevêquede Clermont
vice-président de la
Conférence des évêques de France

Mgr LAURENT ULRICH,
archevêquede Lille
vice-président de la
Conférence des évêques de France

Mgr JACQUES BLAQUART,
évêque d'Orléans

Mgr JEAN-CLAUDE BOULANGER,
évêque de Bayeux et Lisieux

Mgr JEAN-PIERRE GRALLET,
archevêquede Strasbourg

Mgr HUBERT HERBRETEAU,
évêque d'Agen

Mgr JEAN-PAUL JAEGER,
évêque d'Arras

Mgr JEAN-PAUL JAMES,
évêque de Nantes

Evêque placé à la tête d'une province ecclésiastique.Les cardinaux sont les premiers collaborateurs du papeEnsemble des évêques de France.Organisme qui reçoit délégation de l'Assemblée plénière des évêques.

 

CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE

Élections 2012
Éléments de discernement

De sa contemplation du Christ, l'Église tire une vision cohérente de la personne en toutes ses dimensions, inséparables les unes des autres. Cette vision peut servir de guide et de mesure aux projets qu'une société doit se donner.

Vie naissante

Chaque personne est unique aux yeux de Dieu. L'engagement résolu des chrétiens n'est pas dicté d'abord par une morale mais par l'amour de la vie que ni la maladie ni l'âge ne peut amoindrir. Il est impératif que les autorités publiques refusent l'instrumentalisation de l'embryon. De même, l'avortement ne peut en aucun cas être présenté comme une solution pour les mères en difficulté. Les chrétiens doivent veiller à ce que la société consacre de grands efforts pour l'accueil de la vie.

Famille

En créant l'être humain, « homme et femme », Dieu a suscité une relation de complémentarité à la fois biologique et sociale qui se retrouve dans toute la société. La différence sexuelle de l'homme et de la femme est fondatrice et structurante de tout le devenir humain. De plus, l'union de l'homme et de la femme scellée dans le mariageest le moyen le plus simple et le plus efficace d'accompagner le renouvellement des générations et d'accueillir les enfants pour les introduire en ce monde. La famille, fondée sur l'union durable de l'homme et de la femme, doit être aidée économiquement et défendue socialement car, à travers les enfants qu'elle porte et qu'elle éduque, c'est l'avenir et la stabilité de la société qui sont en jeu.

Alliance d'un homme et d'une femme dans les conditions prévues par la loi.

Education

L'éducation est une des expressions majeures du respect de la personne. Une éducation juste implique : la liberté et la responsabilité des parents, la transmission à tous des savoirs essentiels, l'attention spécifique à ceux qui rencontrent des difficultés scolaires, le respect de la liberté de conscience, des enseignements respectueux de la dignité et de la beauté de la vie humaine.

Jeunesse

L'intégration des jeunes générations est un objectif incontournable pour toute société. Chez nous, divers facteurs rendent cette intégration difficile. L'aide aux familles dans leur responsabilité éducative, les conditions de la vie étudiante, l'entrée dans la vie professionnelle, la possibilité de fonder une famille indépendante, etc. sont autant de domaines dans lesquels le soutien institutionnel et financier de la collectivité ne doit pas être perçu comme une faveur, mais comme un investissement nécessaire à la cohésion et à la paix sociales.

Banlieues et citées

Depuis quelques années, malgré des efforts répétés, certains quartiers et certaines cités deviennent des lieux de violence, de trafics. Plus généralement, certains de leurs habitants s'y trouvent enfermés, ne parvenant pas et parfois ne voulant plus prendre pied dans la société globale. Une politique purement répressive ne saurait suffire ni résoudre les problèmes de fond. Des efforts d'aménagement, notamment de renouvellement de l'habitat et des transports, sont nécessaires. Des initiatives doivent être prises pour aider les habitants à comprendre la société où ils se trouvent et à s'en considérer comme partie prenante. Un certain nombre d'associations jouent un rôle important qui doit être soutenu et encouragé.

Environnement

La terre est un don d'amour fait par le Créateur pour que l'homme soit le gérant de ce bien donné. En l'invitant à dominer la terre, Dieu ne l'a pas invité à l'épuiser ou à la détruire. C'est pourquoi l'Église invite la société à promouvoir des modes de vie respectueux de l'environnement et à intégrer cette préoccupation dans le développement économique et social. Les prouesses techniques dont la société est capable sont à encourager si elles sont respectueuses de l'« écologie humaine » (Benoît XVI).

Economie et justice

Le travail demeure une nécessité fondamentale pour la structuration de la personne. C'est pourquoi l'objectif de toute politique économique doit être d'offrir à tous ceux qui se présentent, et en particulier aux jeunes, une perspective de travail et une véritable préparation à l'emploi. Une politique économique qui se résoudrait au maintien dans la dépendance vis-à-vis de l'État serait contraire à cet impératif. Les autorités publiques doivent créer les conditions d'une plus grande justice dans la vie économique en veillant à l'équité des salaires, des prix et des échanges. L'équilibre de la société exige la correction des écarts disproportionnés de richesse.

Mais la société ne se limite pas aux échanges économiques. La gratuité qui est à l'œuvre dans la vie associative et culturelle est une des conditions de sa vitalité. L'État doit encourager et faciliter les citoyens à s'engager financièrement et personnellement dans des associations de tous ordres qui renforcent le tissu social.

 

Coopération internationale et immigration

Le bien commun implique la paix entre personnes et entre nations. Il proscrit l'usage de la force entre les États, sauf dans les situations extrêmes où toute autre solution est impossible. Il appelle un partage des richesses et le développement des actions de coopération. Il passe par des institutions internationales dont le fonctionnement et les actions servent efficacement la dignité des personnes et des peuples.
L'Église reconnaît à tout homme le droit d'émigrer pour améliorer sa situation, même s'il est regrettable que tous ne puissent pas survivre dans leurs pays.
Mais dans un monde aussi organisé que le nôtre, une régulation des migrations est nécessaire. Elle ne peut pas se réduire à une fermeture protectrice des frontières. Elle doit permettre d'accueillir au mieux ceux qui se présentent, avec respect et sérieux, et en leur offrant une vraie possibilité d'intégration.

 

Handicap

Nos sociétés modernes s'honorent d'un renouvellement du regard sur les personnes handicapées. Elles savent leur permettre de trouver leur place dans la vie sociale. Les chrétiens y reconnaissent volontiers un écho de l'attitude du Christ rencontrant et réconfortant des personnes malades ou atteintes de handicap (Marc 1, 40 ; Luc 5, 17...). Ce souci doit donc être encouragé. Mais le dépistage prénatal systématique qui risque de déboucher sur l'élimination des personnes porteuses de certains handicaps remet en cause en son fondement même la solidarité envers le plus faible qui doit animer la société.

 

Fin de Vie

Toute personne, quel que soit son âge, son état de fatigue, son handicap ou sa maladie, n'en garde pas moins sa dignité. Pour cette raison, « l'euthanasie
est une fausse solution au drame de la souffrance, une solution indigne de l'homme » (Benoît XVI) car elle vise, sous prétexte de compassion, à abandonner les personnes au moment où elles ont le plus besoin d'aide et d'accompagnement. L'arrivée de générations importantes dans le grand âge doit inviter la société à une plus grande solidarité. Le développement des soins palliatifs, fruit d'un progrès éthique et scientifique, doit être poursuivi pour que tous ceux qui en ont besoin puissent en bénéficier.

 

Patrimoine et culture

Notre pays hérite de l'effort culturel des générations précédentes. La culture ne coïncide pas avec la production culturelle ou même avec la réception de ses produits. Elle permet à chaque personne d'inscrire sa destinée dans la communauté humaine avec celle des autres devant les horizons de la plus grande espérance. Il est souhaitable que les pouvoirs publics assemblent les conditions pour que les jeunes générations profitent de ce que nous lègue le passé pour se projeter dans l'avenir.

Confiance dans les promesses du Christ.

Europe

Le projet européen peut être compris de bien des manières. En son origine, il représente un magnifique effort pour assumer l'histoire d'un continent en termes de pardon et de promesse. Dans le monde globalisé où nous vivons, bien des réalités ne peuvent être traitées qu'à cette échelle. Mais la construction
européenne appelle des États capables de proposer et de défendre un projet clair, en vue de créer un espace de liberté et de créativité.

L'Union européenne est devenue le cadre institutionnel de beaucoup des activités humaines en notre pays. Mais elle agit trop souvent comme une instance administrative et même bureaucratique. Le marché unique est un beau projet dans la mesure où il est sous-tendu par une vision spirituelle de l'homme. Les chrétiens désirent que l'Europe, loin de réduire l'homme à n'être qu'un consommateur sans cesse insatisfait et soucieux de ses droits, permette à ses habitants d'agir de façon responsable, avec les ressources spirituelles, morales, économiques et politiques qui sont les leurs, pour le bien de l'ensemble du monde.

 

Laïcité et vie en société

Dans notre pays, la relation entre l'Église catholique et l'État a été marquée par une histoire difficile et souvent conflictuelle. Cette relation est aujourd'hui largement apaisée et c'est une bonne chose pour l'équilibre de notre société. Nous vivons dans un régime de séparation - depuis la loi de 1905 - et la laïcité est un principe constitutionnel de la République française. À plusieurs reprises et notamment lors du centenaire de la loi de 1905 [1], l'Église a affirmé accepter le cadre dans lequel nous nous situons. Séparation ne signifie pas ignorance réciproque ; nombreux sont les lieux et les occasions de rencontre, de dialogue, tant au plan local que national. Si l'État ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte (art. 2 de la loi de 1905), il se doit d'assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes (art. 1). C'est dans le sens de la liberté que la jurisprudence a de façon constante interprété la loi. Récemment le débat sur la laïcité est revenu sur le devant de la scène, en raison de la présence plus nombreuse de citoyens de religion musulmane et des questions posées par certaines pratiques minoritaires. Ces débats ne doivent pas stigmatiser les religions dans notre pays au risque d'aboutir à la laïcité la plus fermée, c'est-à-dire celle du refus de toute expression religieuse publique. Certaines pratiques administratives ont montré que ce risque n'est pas illusoire.

De même, certaines réactions excessives, dans des débats récents, ont montré que l'intolérance à l'égard de l'Église catholique (et des religions en général)
ne constituait pas uniquement des vestiges du passé. Les catholiques n'entendent pas être des citoyens interdits de parole dans la société démocratique.
En exprimant ce qu'ils pensent, ils ne vont pas à l'encontre de l'intelligence et de la liberté de jugement de ceux qui ne partagent pas leur foi. Ils souhaitent une application apaisée et ouverte des lois et des règlements qui définissent le pacte laïc de notre commune République.

 

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