Contribution de la Conférence Catholique des Baptisés Francophones à la préparation du
Synode sur la Nouvelle Evangélisation
« Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne
Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple. »
Matthieu 4, 23, Bible de Jérusalem
Evangéliser, c'est rejoindre l'attitude de Jésus qui, tout au long des récits évangéliques,
rencontre, écoute, donne la parole, relève et guérit. Aujourd’hui, l’Eglise cherche les chemins
d’une « Nouvelle Evangélisation », surtout en Europe, dans les pays très anciennement
chrétiens, et qui aux yeux de beaucoup, le paraissent moins. Dans ces pays européens, le
Magistère regrette ce qu’il appelle la sécularisation, sa perte d’influence, mais les citoyens,
chrétiens et catholiques en tête, ne s’en portent pas plus mal. Au contraire, ils apprécient la
démocratie et la libéralisation des moeurs que l’Eglise a longtemps entravées. De plus au sein
même de l’Eglise, des mouvements de laïcs se lèvent pour contester le conservatisme et la
gouvernance autoritaire des clercs. La « Nouvelle Evangélisation », dans ce contexte, ne peut
être comprise en termes de reconquête d’un terrain perdu, mais plutôt comme une invitation
personnelle à s’approprier les mots du Christ dans son langage et sa vie d’homme et de
femme d’aujourd’hui, à accueillir le Verbe dans sa chair, même si celle-ci n’est pas judéochrétienne
depuis 2000 ans.
La création de la Conférence des Baptisé-e-s est notre réponse à la nouvelle évangélisation.
La Conférence des Baptisés se veut libre de tout rattachement clérical ou hiérarchique, elle
n’est pas un mouvement d’Eglise, mais ne construit pas non plus une opposition dans l’Eglise.
La Conférence est dans l’Eglise et veut faire Eglise avec tous. La Conférence rassemble des
chrétiens très divers qui n’ont pas tous la même opinion sur certaines questions de société. Le
point commun des membres de la Conférence, c’est de vouloir que tous les baptisés exercent
leur vocation de prêtres, prophètes et rois, laïcs et clercs, ensemble, unis dans le Christ, au
quotidien et dans l’incarnation de leur vie. C’est dans ce but que la Conférence veut placer
toutes ses actions dans le cadre de trois ministères, trois services rendus en permanence aux
autres et au Christ : la bénédiction, l’écoute et l’espérance. La bénédiction, l’écoute et
l’espérance nous semblent être les voies de l’évangélisation.
Bénédiction : si nous commencions par dire du bien de l’Europe ?
Bénir, c’est dire du bien. C’est reconnaître la valeur de l’autre, c’est le début du respect et du
dialogue. Et, bien qu’aujourd'hui, les institutions européennes et la monnaie européenne se
retrouvent en pleine crise, si nous commencions par dire du bien de l’Europe et des Européens
?
Après des siècles d’affrontement, les Européens ont trouvé la voie sage de la paix. Depuis
plus de 60 ans l’Europe est en paix. La paix, première richesse des hommes et premier don de
Dieu. Depuis la fin des années cinquante, l’Union Européenne progresse, certes pas assez vite
sur certains sujets, mais les citoyens du continent en ont globalement retiré prospérité, progrès
social. Certains des pays de l’Union ont même su développer, sous l’influence conjointe de la
social-démocratie et de la démocratie chrétienne, un modèle social protecteur, qui reste à
conforter et à étendre. L’Europe est démocratique, a aboli la peine de mort et promeut la paix
dans le monde : ses armées sont les premières pourvoyeuses de troupes de maintien de la paix
envoyées par l’ONU sur toute la planète. Les Européens peuvent être fiers de participer au
quotidien à une telle oeuvre, certes imparfaite, toute humaine et fragile, mais unique au
monde. Grâces soient rendues à ses pères fondateurs, les Jean Monnet, Konrad Adenauer,
Alcide de Gasperi, tenaces laïcs catholiques, à ceux qui les ont suivis et à tous ceux, citoyens
et habitants d’Europe qui travaillent chaque jour à la survie et au développement de cet
ensemble politique, économique et social, que, malgré ses lourdeurs et ses
dysfonctionnements, la Terre entière nous envie. Bénissons, disons du bien aussi de la
jeunesse européenne, qui, quand elle en a la chance, étudie ensemble, parle souvent au moins
deux langues comme en une Pentecôte laïque, et fait auberge espagnole dans toutes les
métropoles étudiantes, sous l’égide d’un grand penseur chrétien indépendant et libre : Erasme.
Certains regrettent que l’Europe comme institution ne fasse plus référence au christianisme,
mais a-t-elle besoin d’être une organisation chrétienne ? Non, surtout pas, car elle doit
dialoguer avec toute la Terre sans a priori religieux. En revanche, l’Europe a intégré maintes
valeurs de l’Evangile, dont la paix et le respect de la personne et de l’individu. Pour
l’attention aux pauvres, elle doit continuer sa route, et parfois la confirmer, sous le regard de
ses citoyens. Réconciliée, l’Europe n’a pas besoin d’être pieuse ou pratiquante, ou de faire
référence, d’un seul bloc, à des racines chrétiennes. Il lui suffit de continuer à toujours
débattre et discuter, à concilier, à faire concile de ses difficultés, de ses désaccords, pour rester
moderne, pour vivre et faire vivre un aggiornamento permanent de paix et de progrès social.
C’est en reconnaissant cette Europe de la modernité, en faisant confiance à cette société
sécularisée, mais démocratique et sociale, que les chrétiens pourront y transmettre le message
du Christ. Evangéliser, ce n’est pas seulement secourir, au bord de la route, comme le
Samaritain, le laissé pour mort de la foi, mais c'est aussi faire confiance à la société
(l'aubergiste) pour finir son oeuvre.
Ecoute : savoir écouter les gens, l’Eglise et la Parole de Dieu
La Conférence des Baptisé-e-s place l’évangélisation au coeur de son ministère de l’Ecoute,
l’écoute des gens, du simple peuple que l’Eglise et les croyants côtoient, l’écoute de l’Eglise,
de sa Tradition et de son Magistère, et l’écoute de la Parole de Dieu.
Eloignés de l’Eglise, ou opposés à ses opinions, ses rites ou ses prises de position, nos
concitoyens ont néanmoins une riche spiritualité : c’est le propre de l’homme. Evangéliser,
c’est d’abord écouter, donner la parole à ces intériorités, à ces expressions de la foi ou de la
non-foi que certains croyants rigides préféraient ne pas entendre, mais qui sont le terreau des
interrogations spirituelles immenses de notre temps et l’occasion pour ceux qui se disent
chrétiens de témoigner de leur foi en Christ. Ici, par le débat et le témoignage, il peut y avoir
écoute mutuelle : expression d’une spiritualité personnelle, plus ou moins ou pas du tout
chrétienne, et apostolat d’une foi chrétienne qui accouche de son Christ, non pas par un
discours théorique mais par une parole existentielle. C’est dans cet objectif que la Conférence
va promouvoir des ateliers d’expression de la foi, ou de la spiritualité, ouverts à tous.
La Conférence est aussi à l’écoute de l’Eglise, de sa Tradition et de son Magistère, et se veut
proche de nos clercs, qui ont besoin du soutien des baptisés pour exercer leurs ministères.
Trop souvent, ces ministères ordonnés sont le lieu de souffrances humaines, qui ne sont que la
conséquence d’incompréhension, de rigidités et de manque d’attention au coeur même de
notre Eglise. Ecouter nos clercs, nos prêtres, nos religieuses, c’est accueillir fraternellement
leurs interrogations et leurs problèmes et y apporter des solutions qui respectent plus l’esprit
des disciples du Christ que la simple discipline réglementaire et organisationnelle.
Une Tradition et un Magistère vivants et présents se doivent d’être audibles par tous. Pour la
Conférence, les écouter, ce n’est pas leur accorder une obéissance aveugle, le petit doigt sur la
couture de la soutane. L’obéissance évangélique n’est pas l’exécution d’un ordre, mais une
écoute, une discussion, une disputatio, une nécessaire interprétation, surtout par et pour des
laïcs chargés, selon les termes mêmes de la Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen
gentium, chapitre 4, § 31, du Concile Vatican II, « d’éclairer et d’orienter toutes les réalités
temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu’elles se fassent et prospèrent
constamment selon le Christ ». La Conférence s’efforcera donc de mettre en place des espaces
publics de débat autour des questions soulevées par la Tradition et le Magistère de façon à ce
que la Tradition reste ce que l’on peut et veut transmettre et échanger (tradere, en latin) et de
sorte que le Magistère soit, incarné dans la vie des hommes et des femmes de ce temps,
seulement celui du Christ. Ainsi, en parlant le même langage que leurs contemporains, les
catholiques pourront être écoutés de tous, croyants ou non, ce qui est un préalable à une
nouvelle évangélisation réussie.
Enfin, évangéliser, c’est d’abord écouter la Parole de Dieu. Lire, parler, raconter, discuter les
récits bibliques et évangéliques, en relever les aspérités, les sous-entendus, les symboles, les
correspondances, les contradictions, les outrances, les scandales. Ne rien prendre au pied de la
lettre, mais avoir une lecture et une écoute active, révoltée, impliquée pour, à l’aide de
l’Esprit, pouvoir enfin en écouter le sel qui donne goût à notre vie et nous fait dire « Je crois »
Dans cette perspective, la Conférence orientera son enseignement selon l’exhortation
apostolique Verbum Domini « sur la parole de Dieu dans la vie et dans la mission de
l’Eglise ». qui insiste sur l’importance de la Bible, sur le péché uniquement comme nonécoute
de la Parole, et sur le rôle des laïcs dans l’évangélisation.
Espérance : le Christ s’adresse à chacun de nous, qui pouvons faire et refaire Eglise
Si nous avons créé la Conférence, c’est que nous ne pouvons plus supporter que notre Eglise
soit atone, que même des chrétiens s’en éloignent silencieusement, parce qu’on ne les y
écoute pas. Nous savons aussi que toute opposition laïcs-clercs est stérile et que notre Eglise
ne se transforme pas comme un parti, une entreprise, un pays ou une association. C’est
pourquoi nous voulons nous tenir au milieu de la nef, ne rien revendiquer mais tout espérer,
ne pas partir, mais ne pas nous taire, car nous croyons que nous sommes l’Eglise et le Christ
tous ensemble, laïcs et clercs, libéraux et plus traditionnels, hommes et femmes à part égale.
Pour que notre Eglise ne soit plus statique, en panne, ou tentée par un enlisement dans la
restauration d’un passé révolu et opposé à l’évolution de la société, parce nous sommes
l’Eglise et que nous sommes modernes, partie prenante de la société actuelle, parce que nous
ne développons pas une contre-culture, mais que nous sommes dans la vraie vie, avec tous les
autres, chrétiens et non-chrétiens, nous prenons à coeur notre sacerdoce de baptisé-e-s, nous
sommes dans l’Espérance que nous faisons et que nous allons refaire Eglise, car le Christ
s’adresse à chacun de nous et à chacun de ceux que nous rencontrons dans notre apostolat.
Petit à petit, non plus de façon hiérarchique et procédant d’un pouvoir temporel, mais, d’être
humain à être humain, en réseau, en rhizome, nous allons faire croître, faire fleurir et donner
le fruit de la Vie.
Conférence Catholique des Baptisés Francophones
www.baptises.fr