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(Jean-Marc Babut, Actualité de Marc, Cerf, 2002, p 7-10)

Marc est l'évangile le plus ancien, le plus court et apparemment le plus simple. C'est lui d'autre part qui a servi de référence à ses deux voisins. D'une certaine manière donc il se suffit à lui-même. Contrairement ensuite aux épîtres qui procèdent par argumentation, Marc présente son message sous la forme d'un récit, ce qui offre l'avantage incomparable d'inciter le lecteur ou l'auditeur à entrer personnellement dans l'histoire racontée, à s'identifier aux personnages et à s'approprier plus naturellement le message. (...)

(...) Ecouter est sans doute une des choses qui nous est la plus difficile. Quiconque prétend écouter doit être averti qu'il risque d'être lui-même le premier fournisseur de parasites dans la communication qu'il veut établir avec le texte : on aime en effet ce qui vient confirmer les convictions qu'on cultive, on aime ce qui vient nous donner raison ou qui va dans le sens de ce qu'on croit savoir déjà, on aime ce qui nous paraît répondre aux questions qu'on se pose ou qui nous assaillent. Ce qu'on pourrait appeler notre contexte personnel du moment nous oriente avant que nous nous en rendions compte vers telle attente, telle sensibilité, tel intérêt pour tel aspect du texte et nous voilera probablement aussi tel autre aspect qui ne correspond pas à nos préoccupations présentes ou se trouve même en contradiction avec nos convictions. Bref, notre "contexte personnel" nous prédispose à une lecture inconsciemment orientée vers nous-mêmes. Dans de telles conditions on risque fort de n'entendre en fin de compte que sa propre voix. On se condamne alors à ne pouvoir sortir du cercle vicieux  dans lequel on est enfermé avec soi-même. 

Seulement écouter est tout autre chose. Ecouter, c'est être attentif à une voix autre que la mienne et, quand il s'agit de la Bible, autre aussi que les voix étrangères qui résonnent chaque jour à mes oreilles et sollicitent mon adhésion. Ecouter Marc réclame donc en premier lieu que j'impose silence à ce que je crois savoir de lui, silence aussi à mes propres assurances, afin de me rendre entièrement disponible à cette autre voix qui ne vient pas de moi et qui me dit autre chose que ce que je pense, autre chose aussi que ce qu'on a toujours dit, autre chose, peut-être, que ce que j'aimerais entendre. Se rendre ainsi disponible au sens du texte exige donc discipline, voire ascèse, et méthode. Surtout si on est déjà quelque peu familier avec la Bible, il faudra toujours à nouveau s'interdire de savoir par avance ce que le texte veut dire.  (...)

 (...) la distance est considérable entre le monde où vivait Jésus, et même celui où vivait Marc d'une part, et d'autre part l'Occident déjà vieux de deux millénaires dans lequel nous avons appris à parler et à penser. (...) Mais la mentalité humaine a-t-elle autant changé en deux mille ans ? Il y a tout lieu de penser que non. (...)

 

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