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(Jacques Duquesne, Forum La Croix, 27 Septembre 2011)

Qu’y a-t-il de commun entre Jeannie Longo, le philosophe Luc Ferry, Dominique Strauss-Kahn et (par exemple) Jacques Chirac ? Ceci : ils ont tous donné prise aux soupçons. Et s’ils doivent tous – fort heureusement – bénéficier de la présomption d’innocence, il reste que l’opinion publique, troublée, ne distingue pas très clairement entre soupçon et culpabilité. Notre président de la République, d’ailleurs, dans un lapsus regrettable, avait déclaré publiquement Dominique de Villepin « coupable », dans

l ’affaire Clearstream avant même que celui-ci soit jugé.

Qu’y a-t-il de commun entre Alain Minc, auteur à succès, conseiller de notre président et d’entreprises diverses, Christine Lagarde, Dominique Strauss-Kahn, et plusieurs économistes au service des banques ? Premièrement, ce sont des « experts » dont les paroles sont recueillies comme des oracles. Mais, deuxièmement, ils se sont tous trompés. En 1989, par exemple, Alain Minc écrivait dans son livre La Grande Illusion que le mur de Berlin était devenu une protection pour l’Ouest et que s’il venait à disparaître l’Ouest serait « finlandisé », c’est-à-dire soumis peu ou prou à la volonté des Soviétiques ! Ce qui ne l’a pas découragé, ensuite, d’énoncer d’autres prévisions, très écoutées. Plus récemment, le 20 août 2007, Christine Lagarde annonçait que « le gros de la crise est derrière nous », formule reprise presque littéralement en mai 2008 par son prédécesseur au FMI, Dominique Strauss-Kahn : « Les pires nouvelles sont derrière nous », disait-il.

On dira qu’il est facile de railler de telles annonces, certes. Il est permis à tout le monde de se tromper. Mais non de persévérer. Et quand il s’agit de politiques, les déclarations optimistes peuvent être inspirées par la volonté de rassurer, ce qui est, parfois, utile et louable. Mais les « experts », qui se multiplient, ne peuvent arguer des mêmes raisons. Tout simplement, ils se trompent, ce qui ne les décourage pas de continuer. D’autant que les médias en font des vedettes. Et qu’ils commencent à se faire entourer, comme les hommes politiques et les grands chefs d’entreprise, de « communicants » qui leur apprennent à se présenter et leur dictent des stratégies pour diffuser leurs idées ou leurs produits. Or, la communication tue l’information, la recherche de la vérité. En d’autres temps on l’eût appelée la propagande.

Tels sont ceux, accompagnés de « people » divers, qui forment aujourd’hui la classe dirigeante française. Bien entendu, elle n’est pas uniforme. Dans chacun des domaines ici évoqués, il existe des hommes et des femmes passionnés par leur travail, ayant le sens du service, et qui accordent plus d’importance à la vérité qu’à l’argent. Mais, comme chacun le sait, il est difficile de distinguer toujours le bon grain de l’ivraie, surtout avant la moisson.

Le peuple d ’aujourd’hui, qui sait la complexité des problèmes nouveaux, se montre jusqu’ici plutôt patient. Il existe même, un peu partout, des bénévoles, dévoués, compétents, qui tentent de faire face aux situations les plus dramatiques ou d’attirer sur elles l’attention. Sans avoir toujours le sentiment d’être écoutés.

La nouveauté, c’est que le scepticisme, parfois la colère, gagnent désormais les classes moyennes. Naguère, elles respectaient la classe dirigeante et aspiraient surtout à y faire entrer leurs enfants. Ce qui n’est plus tout à fait vrai, ou n’apparaît plus possible. Le succès persistant – et international – du livre de Stéphane Hessel Indignez-vous traduit bien un sentiment de plus en plus répandu et persistant.

La vraie crise, qui sous-tend celle de l’économie et des finances et l’aggrave, n’est-elle pas, d’abord, une crise de confiance ? 

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