Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

778234013_579e970752_o.jpgSemaine de prière pour l'unité des Chrétiens

(Bernard Le Léannec, assomptionniste, Forum, La Croix, 23/01/2010)

«D e tout cela, c’est vous qui en êtes les témoins » (Lc 24, 48). Le thème retenu pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens de cette année fait écho au thème de la conférence mondiale des missions qui s’est tenue il y a cent ans à Édimbourg et qui a en quelque sorte marqué le commencement du mouvement œcuménique moderne: «Témoigner du Christ aujourd’hui ». Mais comment, au début de cette nouvelle décennie du troisième millénaire de l’ère chrétienne, annoncer JésusChrist et porter l’Évangile avec nos voix discordantes de sorte qu’elles soient entendues par tous ceux qui attendent une parole unifiée de la part des chrétiens ?

« De tout cela, c’est vous qui en êtes les témoins » : ces mots situés à la fin de l’Évangile de Luc sont à la fois une promesse et un envoi lancés à tout chrétien. Pour montrer combien ils s’inscrivent dans les fondements mêmes de l’Église, Luc les imbrique dans ceux qu’il met au début du Livre des Actes des Apôtres : « Vous serez mes témoins et vous le serez à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). De Jérusalem aux extrémités de la terre, c’est-à-dire du monde juif au monde païen. Tel est le programme que le Christ trace à ses Apôtres, témoins à qui il promet l’Esprit Saint.

Nous le savons : au sein de l’Église, les tensions et les divergences persistent. Mais n’est-ce la loi propre à tout témoignage? Les témoins apparaissent là où la Parole rencontre les hommes dans leurs contradictions. Les témoins ont à annoncer JésusChrist dans le langage de leurs interlocuteurs aussi bien par des actes que par des mots, en y engageant toutes les dimensions de leur être. Dans les Actes, le témoignage des Apôtres est marqué par une sorte de gradation tragique : ils sont d’abord interdits de parole (4, 18), puis menacés de mort (5, 33) et enfin battus de verges (5, 40). Bientôt Étienne subira la lapidation (7, 59). Pour Luc, ce martyre marque l’épilogue de l’action des témoins à Jérusalem. Le témoignage de l’Église à travers les âges est toujours traversé par des expériences houleuses. Le témoin n’est pas au-dessus de l’histoire ; il est dans l’histoire. Tel est son lot. La logique ultime du témoignage peut encore aujourd’hui aboutir au martyre.

« Notre monde, disait Paul VI, a plus besoin de témoins que de maîtres. » C’est dire à quel point le rayonnement du chrétien n’est pas d’abord affaire d’activités plus ou moins spectaculaires, mais bien de témoignage authentique et cohérent, de rayonnement de personnes qui osent risquer leur vie pour le Christ et pour leurs frères, poussés par un surcroît d’amour pour guérir les divisions. « Nous devons donc croire que Dieu est Amour pour les Églises aussi, disait Chiara Lubich. Mais si Dieu nous aime, nous ne pouvons pas rester inertes devant tant de bienveillance divine. En vrais fils et filles, nous devons répondre à son amour, en tant qu’Église aussi. Il faut pour cela en chacune un supplément d’amour. Amour envers les autres Églises donc, et amour réciproque entre les Églises, cet amour qui amène chacune à être un don pour les autres, puisqu’on peut prévoir que dans l’Église du futur la vérité sera une, mais exprimée de diverses manières, observée sous des angles divers, embellie des diverses interprétations. »

«Le sang des martyrs est semence de chrétiens », écrivit Tertullien. Cette vérité est l’apanage de toute Église, celle des Gaules aux racines mêmes de la christianisation de la France, mais aussi celle des communautés qui reçurent l’Évangile aux diverses étapes de l’histoire, à travers le monde.

Pour avoir vécu près de vingt ans en Russie, je ne crains pas d’affirmer que l’Église orthodoxe a subi durant la période soviétique la plus longue et la plus terrible persécution de toute l’histoire chrétienne. Elle peut s’honorer du plus grand nombre de martyrs et confesseurs de la foi de toute l’histoire de l’Église. Ne soyons donc pas étonnés qu’après une telle épreuve, les partenaires du dialogue œcuménique l’ayant vécue puissent aujourd’hui avoir leur manière propre de parler du témoignage au Christ, et appréhender le pluralisme culturel et religieux de notre monde de façon spécifique, face parfois à un prosélytisme de mauvais aloi. Comment oser parler d’évangélisation dans un pays où les gens ont constamment l’Évangile à la main ? Peut-on leur reprocher leur scepticisme devant ces groupes religieux extérieurs qui se disent « missionnaires » mais qui sont plus soucieux de leurs intérêts propres et de leurs effectifs que de la transmission du message et de la vie de l’Évangile ? Mais pourquoi aussi le monde orthodoxe, qui sait bénéficier comme Églises des avantages de l’universalité chrétienne, dénonce-t-il systématiquement une attitude « prosélyte hostile » pour ce qui relève d’un sain pluralisme religieux et procède du fait confessionnel ? L’œcuménisme, dont la route a été irradiée par de si lumineuses rencontres durant ce dernier demi-siècle, connaîtra-t-il à nouveau une phase d’espérance enthousiaste concrétisée par la rencontre du patriarche de Moscou et de l’évêque de Rome ?

« De tout cela, c’est vous qui en êtes les témoins. » Nous ne le serons vraiment que si nous sommes ce surcroît d’amour qui guérit les divisions entre les hommes et irradie leurs existences. L’essentiel dans le témoignage, nous le pressentons bien, n’est pas dans ce que l’on dit ou ce que l’on fait, mais bien dans ce que l’on est.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :