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(Monique Hébrard Journaliste, écrivain, La Croix 19/9/09)

Dans les campagnes, à l’occasion des Journées du patrimoine, les habitants ont à cœur d’ouvrir leurs petites églises qui restent de plus en plus fermées. On assiste à des mouvements paradoxaux : les gens ne vont plus à la messe, mais ils aiment leurs églises ; les catholiques regroupent les clochers en d’immenses paroisses, ce qui fait qu’inévitablement les églises sont plus rarement ouvertes, mais voilà que fleurissent des associations de sauvegarde du patrimoine, et des municipalités qui optaient plutôt pour la démolition d’un bâtiment dangereux s’engagent, sous la pression des habitants, dans des dépenses parfois conséquentes pour refaire une toiture, remettre une girouette sur le clocher, restaurer la sonnerie des cloches, refaire l’électricité. Les catholiques pratiquants sont pris par des tâches de plus en plus lourdes et ne font pas forcément de l’ouverture de l’église leur priorité, mais des bénévoles, pas spécialement pratiquants, nettoient, refont les bancs qui tombent en ruine, organisent quelques permanences pour les visiteurs, rédigent des brochures sur l’histoire du monument.

En ces temps où la transmission est en souffrance, le besoin de racines refait surface, et l’église du village apparaît – au dire de tous – comme un monument central de la vie des gens, qu’il ne faut pas abandonner. La récente histoire de l’église de Saint-Chamond, sauvée de la démolition par un référendum, en est une illustration (1). Ils y ont été baptisés, s’y sont mariés, ils y ont le souvenir d’émotions de l’enfance… « Et puis, tout de même, c’est la maison de Dieu », conclut le président d’une de ces associations de sauvegarde du patrimoine. Dans cette société qui lime toutes les valeurs dans l’étau du médiatiquement correct, les églises ne sont-elles pas un des signes visibles des hautes aspirations de la condition humaine ?

Tout en me réjouissant, ce constat pose une question à la catholique pratiquante que je suis. Voilà que des non-pratiquants, des non-baptisés parfois, font ce que nous ne sommes pas capables de faire ! Il est vrai que le nombre des pratiquants se réduit comme peau de chagrin, que leur moyenne d’âge grimpe et que les quelques actifs sont débordés car ils doivent « tout faire »…

Ici ou là, cependant, ils s’efforcent d’ouvrir les églises, pour réciter le chapelet, ou chanter un office, ou tout simplement être là pour que les passants puissent dire, comme Claudel : « Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer. » Entrer… et qui sait ce qui se passe, alors, au fond des cœurs ? Je connais un jeune couple pour qui une église ouverte a été décisive dans leur demande de baptême : ils sortaient de la maternité, y laissant leur nouveauné entre la vie et la mort. En passant devant une église, la jeune maman fut poussée à y entrer. Là, elle fit ce vœu secret : si mon enfant vit, je le ferai baptiser. Ce qui fut fait. Et le baptême de l’enfant entraîna celui des parents.

« Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer. » Autrement dit : je ne sais pas prier, mais le silence me saisit et mon cœur frémit ; il y a comme une mystérieuse présence…

Les églises ne sont-elles pas un des signes visibles des hautes aspirations de la condition humaine ?

(1) Lire La Croix du 20 avril et du 10 septembre.

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