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(Jean Vanier, Forum, La Croix 19/05/2012)

Pendant le Carême j’étais en Palestine, à Bethléem, pour visiter une petite communauté de l’Arche naissante : c’est un atelier où travaillent quinze hommes et femmes en situation de handicap et leurs huit assistants, tous chrétiens et musulmans. Ils travaillent avec de la laine des moutons de Bethléem pour fabriquer des crèches et d’autres objets. Mais c’est plus qu’un atelier, c’est un lieu de rencontre, de paix, de célébration, de chants où ils témoignent de la joie d’être ensemble.

Au cœur de la ville, j’ai pu donner une conférence sur la fragilité humaine devant 400 personnes en majorité musulmanes. Ma conférence était précédée par une présentation de notre communauté avec un « mime sketch » où tous les membres étaient sur l’estrade. Cette présentation a provoqué un tonnerre d’applaudissements. Les parents des personnes avec un handicap pleuraient de joie de voir leurs enfants ainsi applaudis en public. Ces enfants qui avaient été leur honte sont devenus leur fierté.

J’ai pu constater la vérité de ce que les frères de Taizé au Bangladesh ont écrit, il y a quelques années, après avoir organisé un pèlerinage pour des personnes avec un handicap, musulmanes, chrétiennes, hindoues et animistes : « Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui nous pousse à montrer que le service donné à nos frères et sœurs qui sont faibles et vulnérables signifie l’ouverture d’un chemin de paix et d’unité : accueillir chacun dans la riche diversité des religions et des cultures, servir le pauvre prépare un avenir de paix. »

Notre petite communauté à Bethléem, comme notre communauté au Bangladesh, veut être un petit signe d’espérance dans notre monde où des murs se dressent entre des cultures différentes. Durant mon séjour, il m’était impossible de ne pas penser à Christian de Chergé et à ses frères moines en Algérie ; même si, toutefois, la situation à Bethléem n’est pas comparable. Par fidélité à leurs voisins musulmans, ils avaient accepté de demeurer à Tibhirine au risque de leur vie, assumant ainsi le risque d’être tués par des extrémistes musulmans. Les moines avaient découvert, par leurs voisins qui vivaient un islam très différent de celui des extrémistes, la beauté, la vie de prière, l’abandon à Dieu et l’accueil de la différence. Il y a un tel décalage entre ceux qui jugent l’islam à partir de la peur de la différence et à partir de leurs idées sans avoir jamais rencontré de musulmans et ceux qui ont rencontré des musulmans avec humilité et dans une attitude d’écoute. Ils ont pu constater alors comme nous, à l’Arche et, comme les moines de Tibhirine, les frères de Taizé et bien d’autres, comment la religion musulmane a pu aider leurs amis musulmans à devenir des hommes et des femmes meilleurs, plus vrais et plus ouverts. Dans cette période difficile, n’est-il pas urgent pour nous tous d’ouvrir nos cœurs et nos esprits, pour accueillir et écouter nos frères et sœurs en humanité, pour faire baisser ces murs qui nous séparent ?

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