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Une réfexion d'actualité !
Par ailleurs en ligne, les rubriques habituelles (Préparer le Dimanche, le mot du Dimanche)
( Paul Valadier, Jésuite, analyse mise en ligne sur le Site de la Conférence des baptisés de
France)

La Déclaration sur la liberté religieuse du Concile Vatican II, Dignitatis humanae, fut l’un des textes les plus discutés au moment même du Concile. Il est toujours l’objet de vives contestations, du moins du côté de l’infime minorité des intégristes. Ce document, qui a pour sous-titre « du droit de la personne et des communautés à la liberté sociale et civile en matière religieuse », marque à l’évidence un tournant dans la position de l’Église catholique sur la liberté religieuse. Il faut se souvenir qu’à l’époque (1965), des régimes communistes brimaient les croyants, ayant même empêché plusieurs évêques de venir à Rome, ou que d’autres se présentaient comme des régimes officiellement liés au seul catholicisme (Espagne, Portugal). Ni d’un côté ni de l’autre, les « personnes » et les « communautés » ne pouvaient revendiquer le libre exercice de leur culte.

Si de nos jours une telle affirmation de liberté semble aller de soi, encore qu’en bien des pays du monde, notamment ceux où l’Islam est religion officielle, cette liberté connaisse de fortes limites, il faut se rendre compte que la position théorique dominante dans l’Église revendiquait pour la seule Vérité le droit à la liberté publique. Selon une telle thèse, seule l’Église catholique, « détentrice » de la Vérité, devait être reconnue par l’État : aussi pouvait-on, au mieux, tolérer les autres confessions, au pire, les interdire.

Il était assez normal que le Concile prenne la défense de la liberté religieuse pour tous, et pas seulement pour les catholiques, devant tant de persécutions, de condamnations et d’abus étatiques. Mais sur quelle base théorique ?

Bases théoriques de la liberté religieuse

Le Concile a adopté une position qu’on peut dire « personnaliste » : seule la personne a des droits dans ses liens avec d’autres personnes (communautés), et non LA Vérité. La personne a certes le devoir de chercher la vérité, et c’est même sa grandeur de le faire, mais on ne peut pas la contraindre à se soumettre par la force publique à confesser une quelconque vérité. Cette affirmation d’inspiration libérale (on reconnaît les affirmations d’un John Locke) conduit à demander aux pouvoirs politiques de ne pas contraindre en matière religieuse ; ces pouvoirs (le texte ne parle pas d’États) n’ont aucune autorité en ce domaine. Par une telle affirmation, le Concile était en phase avec la référence aux Droits de l’homme, reconnus internationalement (Charte de l’ONU, 1948).

Mais il ne suffisait pas de se situer sur le terrain politique et philosophique. Encore fallait-il montrer que l’Égliseelle-même ne contraint pas en matière religieuse. La seconde partie du Document avance avec une grande force sur ce terrain, en montrant que la tradition chrétienne-catholique a toujours affirmé la liberté de la démarche de foi. Un sacrement reçu par contrainte (baptême, mariage, pénitence, ordre) n’a aucune validité. Sur ce terrain très sûr, le Concile montre que l’Église n’a pas d’autres exigences envers les « communautés politiques » que celles qu’elle a à l’égard d’elle-même. Il peut donc invoquer la grande Tradition, et non pas avancer une revendication dictée par l’actualité, ni non plus proposer une doctrine entièrement nouvelle.

Les résistances

Il est aisé de comprendre les résistances passées et actuelles, sans pour autant les excuser. En se posant en défenseurs de toutes les libertés religieuses (donc non pas seulement du catholicisme), les Pères conciliaires semblaient dissoudre l’exceptionnalité de l’Église ; en adoptant un point de vue personnaliste et communautaire, ils semblaient minimiser le rôle de l’État en le cantonnant à une fonction de gestion des choses terrestres. Les attaques de jadis comme celles d’aujourd’hui se concentrent sur ces points sensibles, même si les intégristes masquent leur résistance à la liberté religieuse en invoquant la liturgie et une prétendue infidélité conciliaire à la Tradition.

En réalité l’Église restait fidèle à sa mission de défendre les hommes contre les oppressions de toutes sortes ; elle était logique avec une Bonne Nouvelle et avec une Alliance que Dieu propose en son Fils et qui suppose l’adhésion libre dans l’Esprit. Elle défendait ainsi la Vérité évangélique bien mieux qu’en revendiquant pour elle seule la protection de l’État. Elle se libérait de protections et de dépendances redoutables, quand le bras séculier se croit en devoir d’imposer un culte ou des pratiques religieuses. Et telle fut l’action vigoureuse de Paul VI à l ‘égard des régimes espagnols et portugais entre autres en vue de retrouver « une Église libre dans un État libre » (de Montalembert).

On ne peut négliger toutefois les réactions négatives que ce texte fondamental a provoquées. N’est-il pas trop négatif envers le rôle des États ? N’est-il donc pas trop marqué par une philosophie libérale méfiante avec les pouvoirs publics ? Quand les situations changent, les points de vue aussi. Devant les nouveaux problèmes liés à la biomédecine, on a vu Jean-Paul II en appeler à un rôle plus interventionniste des États pour défendre la « vérité de l’homme » dans son intégralité (Veritatis Splendor, 1993, Evangelium Vitae, 1995). Retour en arrière ? Désaveu du Concile ? La question se pose en effet. En réalité, même si l’appel à la Vérité est équivoque, les prises de position de Jean-Paul II concernant la liberté religieuse sont restées dans la ligne du Concile. Et l’on peut discuter des argumentations précises de la Déclaration Dignitatis Humanae, sans remettre en cause la position de fond. Les intégristes qui la contestent, proposent-ils à nos sociétés pluralistes un État catholique, exclusivement catholique ? Avancer cette idée folle montre assez la sagesse du Concile et la nécessité de la défendre contre les insinuations de ceux qui croient plus en la force des dénonciations qu’en la force de la vérité incompatible avec la contrainte étatique.

 

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