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vendredi saintAlors le grand prêtre se leva devant lassemblée et interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? ». Mais lui gardait le silence et il ne répondait rien. (Mc 14, 60-61)

 

 

 (Maurice Zundel, La souffrance de Dieu,

Vives Flammes, 179, 4/1989, p 22-25)

Il y a en Dieu éternellement une réalité qui est la cause de la mort de Jésus. Et sur la Croix d'une certaine façon on peut dire que c'est Dieu qui meurt que c'est Dieu qui souffre. (…)   

Comment cela est-il possible? Comment Dieu peut-il souffrir? Cela est aisé à concevoir si l'on se place dans ce monde du dialogue, dans ce monde personnel, dans ce monde de l'amour. L'amour possède justement ce pouvoir d'identification qui est unique et merveilleux. L'amour peut vivre les états de l'être aimé; une mère peut vivre la vie de son fils, mieux que lui, en lui, pour lui.

 

J'ai connu une mère, une mère parfaite qui était une colonne prière, une mère entièrement désintéressée qui n'attendait plus rien de personne et à laquelle on avait arraché son fils. Son mari, qui était une brute, lui avait interdit de le baptiser, lui avait interdit de lui communiquer ses convictions religieuses,  l'avait confinée dans le rôle de mère nourricière. Et cette femme, pendant plus de trente ans, avait porté la vie de son fils déchu, de son fils misérable, de son fils déshonoré, de son fils coupable, non qu'elle ressentit le moins du monde le déshonneur pour elle-même. Elle était tellement absente de soi-même, tellement donnée, tellement ouverte, tellement généreuse, tellement identifiée à son fils qu' elle vivait vraiment pour lui, en lui, avec lui, plus profondément que lui car, justement, dans son innocence extraordinaire, dans sa pureté intacte, elle mesurait mieux, elle vivait d'une manière plus déchirante, la déchéance de son fils Et elle l'attendait. Elle devait le revoir, dévoré par la tuberculose, en attendant que la mort le consumât. Et elle était là, le veillait le jour et la nuit, sans ouvrir la bouche, sans évoquer cette proximité de la mort, ni les responsabilités qu'un être humain peut encourir; elle était là, toute donnée, silencieuse, agenouillée; comme Jésus au lavement des pieds. Et ce fils, en un instant, repassant toute sa vie, voulut "avoir la religion" de sa mère. Soudain, il voulut se donner à cet amour qui s'était révélé à lui depuis si longtemps sans qu'il comprit ce message. Et c'est à travers cet évangile vivant, le seul évangile qu'il dut jamais connaître, à travers cet évangile vivant de sa mère, qu'il avait rencontré le visage infiniment plus maternel de Dieu.

   

 Et c'est à travers cette femme que j'ai compris que la joie de Dieu, ce n'était pas la joie de celui qui possède tout et qui garde tout, nais la joie de celui qui ne peut plus rien perdre parce qu'il a tout perdu, parce qu'éternellement il s'est vidé de lui-même, parce qu'éternellement il s'est communiqué dans la pauvreté mystérieuse de la Trinité adorable où "je" est un autre.

   

Cette femme, elle n'attendait plus rien, elle ne pouvait plus rien perdre parce qu'elle avait tout donné et tout perdu, et elle aimait ce fils d'un si grand amour qu'elle ne pouvait l'aimer davantage. Elle l'aimait tellement pour lui que son amour se colorait des états de son fils. Son amour était douloureux et crucifié quand son fils était malheureux et déchu et quand ce fils radicalement se convertit, se donna enfin à cet amour qui avait si longtemps attendu, elle ne put l'aimer davantage puisqu'elle l'aimait parfaitement. Mais son amour se colora des nouveaux états de son fils et puisqu'il était dans la joie, puisqu'il était dans la lumière, puisqu'il était dans la paix, son amour laissa passer, comme un beau vitrail ce soleil de la joie et de la résurrection.

 

C'est par là que je compris que Dieu souffre, qu'il souffre pour nous, en nous, avant nous, plus que nous, comme une mère  intérieure à nous-mêmes. Il ne souffre pas d'une souffrance qui peut l'affecter en le détruisant, comme fait une douleur passionnée chez un être qui n'est pas encore entièrement  purifié. Non, Dieu souffre de cet amour d'identification qui est le pur amour, l'amour sans réserve, l'amour sans retour, l'amour qui est pur don et qui est justement l'éternel berceau de notre vie.

   

C'est pourquoi au-delà et à travers l'humanité crucifiée de Notre Seigneur, il faut que notre joie découvre la douleur mystérieuse, la douleur infinie, la douleur maternelle de l'éternelle divinité, et que cela illumine d'un jour unique le sacrifice de la Croix. A qui ce sacrifice est-il fait? Sinon finalement à l'amour, à l'amour blessé en nous, à l'amour infini, blessé en nous, par nous et pour nous.

 

 

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