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« Que les autorités cessent de nous empêcher de faire notre travail humanitaire. »
(Pierre Levené, secrétaire général du Secours catholique, La Croix 23/09/09)

Le Secours catholique a fait parvenir hier à « La Croix » une tribune signée de son secrétaire général, Pierre Levené, au sujet de l’évacuation de la « jungle » de Calais
Eric Besson est en train de fermer la « jungle » de Calais.
Comment croire en l’efficacité d’une telle mesure, alors que cette même «jungle» est née de la fermeture de Sangatte, en 2002? Comme il y a sept ans, la problématique reste la même, avec cette fois, un risque supplémentaire: celui de multiplier des lieux de non-droit. Pour s’en convaincre, quelques idées simples, mais fortes, sont à rappeler.
1. Ces migrants ne stationnent pas à Calais par plaisir : guidés par les passeurs, ils rêvent d’une vie meilleure outre-Manche, près de compatriotes et loin des conflits ; la Grande-Bretagne refuse les règles européennes (les accords de Schengen avec une Europe sans frontières intérieures) et applique celles qui l’arrangent : le règlement Dublin, qui lui permet de renvoyer un demandeur d’asile vers le premier pays de l’Union où il aurait demandé asile ; en fait, un sans-papiers contrôlé en Grèce ou en Italie est contraint d’y demander l’asile pour éviter d’être refoulé dans le pays d’où il arrive. Voilà comment on arrive à l’impasse de Calais.
2. Les associations ont identifié divers besoins directs des migrants : dignité, hygiène minimum, survie alimentaire, information sur leurs droits, accueil des plus fragiles (femmes, enfants, blessés ou malades), arrêt des brimades… Submergées au quotidien par l’ampleur des tâches matérielles, elles demandent aux pouvoirs publics de remplir leur devoir, ou du moins de les aider dans leurs actions de solidarité, voire de ne pas les entraver. Elles dénoncent le sort indigne fait aux migrants victimes des conflits et inexpulsables dans leur pays, ainsi que l’ineptie des règlements adoptés et le gaspillage d’argent public que cela entraîne.
3. Dans sa mission d’accueil des plus pauvres, le Secours catholique agit généralement en concertation avec les pouvoirs publics mais, si besoin est, en opposition avec les égoïsmes locaux. Actuellement, son action à Calais exige d’aménager un lieu d’accueil et d’écoute avec un local plus adapté pour l’accueil individuel et collectif des plus pauvres, calaisiens ou migrants. La mairie s’entête à lui refuser le permis de construire, faisant même appel contre une décision de justice. Pire, elle y ajoute un chantage : si le Secours catholique veut gérer les douches qu’elle lui propose pour les migrants, il doit déplacer son lieu d’accueil de jour loin de Calais !
4. La ville de Calais, dont l’économie repose en partie sur le transit vers l’Angleterre, ne veut pas des étrangers, dont la présence est pourtant un corollaire de ce transit : elle condescend pourtant à aménager un lieu de distribution d’aliments de survie, voire de douches, en périphérie, si ces services sont rendus par les associations.
5. La préfecture dit que ces migrants n’ont rien à faire ici : elle est « déjà bien bonne » de pourvoir aux urgences sanitaires, lutter contre la gale et faciliter les procédures d’asile ou de retour. Elle ne peut admettre une zone de non-droit organisée par des mafias. 

Pendant six ans, le ministère de l’immigration a nié l’afflux de migrants et a tout tenté pour les dissuader d’y rester, maniant la carotte, avec une aide volontaire au retour dans des conditions dérogatoires, et le bâton, aux limites de la légalité. Persuadé qu’aucun ne voulait demander l’asile en France, le ministère avait rendu la procédure inaccessible localement. Il en aménagea pourtant l’accès en utilisant les associatifs : en trois mois, 150 étrangers firent la démarche, dont un tiers obtint l’autorisation de séjour. Les autres vivent dans la hantise d’un éventuel renvoi vers un pays non souhaité, puisque l’écueil « Dublin » n’est pas levé. Le Secours catholique a accepté de domicilier ces demandeurs et, avec les autres associations, assure le suivi de leur parcours d’asile. Mais le travail est ardu et souvent désespérant, à cause des mauvaises conditions de travail, des contrôles incessants, des attentes interminables d’une réponse redoutée, de la succession des nuits propices aux traversées… Les associations ont fait la démonstration de leur utilité sur place. Nous n’avons plus de temps à perdre. Que les autorités cessent de nous empêcher de faire notre travail humanitaire. Le problème va bien au-delà du territoire de Calais. Au lieu de voir ces personnes comme une charge, alors que la plupart d’entre elles sont qualifiées, accueillons-les comme n’importe quel être humain qui a sa raison d’être sur notre terre.

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